Les journées sont belles et les nuits sont froides, une aubaine.
Alors, en cette veille de vendanges, un petit tour du vignoble s’imposait.
Aller déguster les baies est enrichissant, vérifier l’état sanitaire des raisins, ressentir la vigne, lui parler, la prévenir de l’arrivée des vendangeurs et du début imminent de la cueillette…
Je la sent prête, joyeuse, elle n’est pas impatiente, le moment est venu, voilà tout.
Le feuillage est très joli, d’un vert tendre que j’adore.
Les sols rayonnent par leur beauté. L’investissement dans de nouvelles charrues intercep a porté ses fruits… la vigne respire et se sent bien, elle nous le montre.
La dégustation des baies révèle un équilibre et une finesse remarquables.
Les peaux sont moins craquantes que d’habitude. De temps à autre, quelques baies d’un cep sont botrytisées.
Il faudra trier, mais les grappes touchées sont rares. C’est réconfortant car malgré les pluies abondantes, je n’ai pas fait de poudrage en prévention du botrytis cette année.
En discutant avec quelques confrères qui ont débuté les vendanges, on arrive toujours aux mêmes conclusions. Chaque année c’est pareil: plus la charge de la vigne est importante, moins les degrés sont élevés et moins les maturités sont avancées… normal !
Jeudi 11 Septembre, un orage a déversé plus de 40 mm de pluie et il est tombé une pluie fine continue toute la journée de Samedi. Comme en 2001, l’excès d’eau avant vendanges fait gonfler les baies. Certains y trouvent leur bonheur car la récolte sera plus grosse; tout en restant quantitativement plus faible en champagne que ces dernières années… et puis, il y a ceux qui recherchent plus de matière et de concentration. Parmis ceux-là, il est probable que de nombreux confrères aient joué la carte de l’enherbement. C’est déjà ce qui nous avait sauvé en 2001… et je suis très content de voir nos vignes pleines de verdure cette année encore: la pluie ne passera pas alimenter nos raisins!
Les grappes sont aérées, le poids des baies est faible, les grappes ne pèseront pas lourd dans ces vignes conduites sans engrais et enherbées… mais la qualité est là, je la sens au palais. Pour confirmer mon sentiment, je n’ai pas résisté à l’envie de remettre en route mon petit pressoir. Quelques grappes sélectionnées avec bienveillance, un pressurage doux sans retrousse et c’est avec plasir qu’Isabelle et moi avons pu déguster le jus issu d’un an d’effort de la part de nos vignes. Quelle finesse, quel équilibre, quel joli fruité fin et délicat, quelle longueur, quelle persistance aromatique !
Nos vignes nous laissent entrevoir un joli potentiel, tout en dentelle.
Je n’ai pas souhaité mesurer le degré, le pH ou l’acidité du moût. Cela m’importe moins que ce que je ressens.
Un amateur de champagne, un néophite ou un dégustateur chevronné ne recherchent pas une analyse quantitative lors de la dégustation de nos champagnes. Il cherchera avant tout à savoir si le vin lui plaît ou non avec les critères qui sont les siens. Par respect pour la difficile année que viennent de traverser nos vignes, je ne souhaitais pas – cet-après-midi – porter un jugement analytique, je suis resté dans le sensitif… et là, je leur dis merci pour le plaisir que les jus dégustés m’ont apporté.
C’est donc avec sérénité que les vendanges 2008 vont pouvoir commencer…