Fermentations périlleuses…

Oct 26, 2005

Pour que tout le monde comprenne, un peu de théorie!

Le raisin méticuleusement cueilli a donné de jolis moûts (c’est le nom que porte le jus de raisin à sa sortie du pressoir). Il contient beaucoup de sucre. Les levures (parfois indigènes, parfois sélectionnées) ont débuté la transformation du sucre du raisin en alcool… c’est la fermentation alcoolique. Mais le moût contient aussi des acides (les vins de champagnes sont d’ailleurs réputés pour cela): l’acide malique et l’acide tartrique. Contentons-nous aujourd’hui du cas de l’acide malique. Excusez-moi pour les gros mots… en fait, pour vous représentez cet acide, sachez que c’est celui qui est contenu dans la pomme verte. Croquez dans une pomme bien acide, faites une belle grimace, éventuellement, quelques tremblements, et voilà, vous connaissez le goût de l’acide malique.
Pourquoi vous parler de l’acide malique ? Après les sucres du moût, c’est cet acide qui sera dégradé en acide lactique par des bactéries. Ce processus s’appelle la fermentation malo-lactique. Je voulais m’assurer que vous connaissiez ces quelques termes avant de lire le message du jour…

Message du jour…

Les vendanges sont terminées depuis quelques semaines. Une partie du vin est toujours en activité. Que se passe-t-il dans nos cuves? Il devient nécessaire de prélever quelques décilitres de chaque cuve pour les soumettre à une analyse de laboratoire. Ainsi, nous serons renseignés sur le déroulement de nos fermentations. On attend toujours les résultats avec un peu d’appréhension…

Ce recours à la technologie ne nous dispense pas d’une analyse sensorielle: la dégustation!
En effet, notre oeil, notre nez et notre langue sont aussi des outils complémentaires… si on remet les choses dans l’ordre chronologique, on devrait même dire que les matériels de laboratoire ont été inventé car ils sont complémentaires à nos perceptions (ces dernières manquent parfois d’objectivité et de précision).

 

Alors, que dit la dégustation?


Sachez qu’il est toujours difficile de déguster quand les vins sont soit en fermentation, soit en fin de fermentation.
– Les vins semblent riches, complexes, soyeux et équilibrés (un belle acidité).
– Les pinots noirs sont réduits mais ce sera réversible… D’après un article du Vigneron Champenois, ceci pourrait être dû à un manque d’azote dans le raisin. Un jeune confrère de Meursault me dira la même chose. C’est probable car la vigne est enherbée naturellement depuis 1998 et n’a pas reçu la moindre fertilisation depuis quelques années. De plus, même si la pratique est courante, nous n’ajoutons pas d’azote dans les moûts avant la fermentation. Le remède: une aération lors du soutirage, avant que la fermentation malo-lactique ne débute. Rien d’inquiétant.
– Les Chardonnays présentent un vrai potentiel, la fermentation alcoolique semble complète.
– Les Pinots Meuniers… là il y a plus à dire: 3 cuves sur 5 présentent du sucre résiduel… dont une qui fermente au ralenti depuis près d’un mois. Il faut savoir que si la fermentation malolactique a débuté alors qu’il y a encore du sucre dans le vin, on risque d’obtenir des arômes désagréables liés à la production d’acidité volatile… méfiance! Gustativement, nous ne notons aucun défaut. Attendons donc l’analyse!

 

Et que dit l’analyse ?

Tout va bien pour les Chardonnays, les Pinots Noirs et une grande partie des Pinots Meuniers. Ca ne veut pas dire que tout va mal pour nos 3 cuves de Pinots Meunier… simplement qu’il faut être vigilent. Et justement, l’analyse arrive à point nommé: je découvre que 2 des 3 cuves viennent juste de terminer la fermentation malo-lactique… les niveaux de volatile sont normaux. Tout va bien. En revanche, il est urgent de stopper l’activité des bactéries malolactiques avant qu’elles ne s’attaquent au sucre pour donner des arômes désagréables. La dernière cuve est toujours en fermentation alcoolique et contient encore 23 g/l de sucre. Il faut vérifier régulièrement que les levures sont toujours en activité, mais aussi vérifier que la fermentation malo-lactique n’est pas en cours en même temps… auquel cas il faudra intervenir au bon moment. Quelques jours suffisent pour que la qualité du vin en pâtisse.

 

Conclusion:

Les vinifications demandent beaucoup de surveillance. Notre palais est faillible sur de tels cas car nous sommes incapables de savoir au jour près la date à laquelle la fermentation malo-lactique est totale. On risque alors les arômes désagréables de volatile, puisqu’on stopperait l’activité des bactéries malolactiques lorsque ces arômes seraient perceptibles… c’est à dire trop tard!

Articles Similaires