Non, vous ne rêvez pas. La photo ci-contre montrant les paniers, les sécateurs et les caisses de vendange a bien été prise hier en Champagne…
Un confrère a déjà commencé à couper les raisins de sa vigne. Il ne s’agit pas de vendanges en vert, comme je le pratiquais ces dernières années pour réguler le rendement des parcelles trop productives (au passage, avec la biodynamie, ce rendement s’est auto-régulé cette année. Le rendement moyen de mon vignoble devrait être assez proche du "quota" d’appellation 2006).
De quoi peut-il bien s’agir ?
En fait, il s’agit d’une vigne protégée avec les produits phytosanitaires autorisés en culture conventionnelle (requalifiée "viticulture raisonnée" ou "viticulture durable" selon la mode du moment) dans laquelle l’oïdium a sévit. Ce vigneron tente une opération de la dernière chance pour espérer sauver quelques grappes de chardonnay pour son millésime 2006. Or, l’oïdium est un champignon qui développe des arômes exécrables pendant les vinifications. Le danger est que les vendangeurs ne sélectionnent pas les raisins correctement et que des grappes altérées arrivent jusqu’au pressoir… il cherche donc a préserver la qualité de son vin en agissant en amont de la récolte.
Comment ceci a pu arriver, me demanderez-vous ?
En fait, notre petite vallée n’a historiquement jamais été un secteur sensible à l’oïdium en raison d’un micro-climat défavorable: trop frais. Or, le climat change. Nous qui vivons chaque jour au contact de la nature en sommes les témoins. Le changement climatique n’est pas une imagination de l’esprit. On le voit affecter nos micro-climats viticoles de plus en plus nettement.
Exemple concret :
il existe deux sortes de vers de la grappe en Champagne, la Cochylis et l’Eudémis. Jusqu’à maintenant, seul la Cochylis se développait sur nos terroirs et l’eudémis était cantonnée aux micro-climats plus chauds.
Aujourd’hui, nous commençons à voir l’Eudémis s’installer. C’est le signe que le micro-climat lui convient mieux maintenant. Certains veulent traiter avec des insecticides pour empêcher la colonisation. Cela ne servira à rien car comme disait BIENVENISTE "Le microbe n’est rien, le terrain (ou le milieu) est tout".
Le micro-climat s’étant réchauffé, le milieu a changé et il est devenu favorable à l’eudémis… le seul moyen d’empêcher l’arrivée de l’eudémis sur nos terroir est de recouvrer rapidement un micro-climat plus frais. Sur ce point, je ne vois pas comment agir à court terme…
Je tenais à le dire car le citadin ne voit pas ces choses-là. Pourtant, elles sont bien réelles et évoluent très (trop) rapidement.
L’oïdium est un champignon qui pullule lorsque le climat est chaud et sec. C’est la bête noire de la viticulture du sud de la France. Dans notre petite vallée parcourue de cours d’eau, il était extrêmement rare que les conditions soient propice à des fortes pression d’oïdium… mais les choses ont changé depuis 2004, première année de fortes pertes de récolte ici même. Les choses n’ont pas l’air d’aller en s’améliorant… en effet, jusqu’à cette année, seul le Chardonnay (cépage le plus sensible à l’oïdium était touché). En 2006, le Pinot Noir est lui aussi touché… et j’ai ouï dire que certains Pinots Meuniers sont touchés à 30 km de là alors que c’est un cépage très peu sensible à l’oïdium… Pour être complet, je préciserai que le réseau d’observation de la santé du vignoble recence sur un échantillon de parcelles
Faut-il s’attendre à grosses pertes de récolte à l’avenir en Champagne à cause de ces nouveaux fléaux ?
Je ne le pense pas pour deux raisons:
– la vigne que tente de sauver ce confrère est une vigne traitée par hélicoptère. Or, la protection des grappes par ce mode de pulvérisation est insuffisante pour contrer l’oïdium. Il est même possible qu’il y ait eu utilisation d’une molécule à laquelle l’oïdium est devenu résistant
– il ne suffit pas que le climat soit propice à l’oïdium pour avoir des dégâts sur grappe. Il faut aussi que la vigne soit un terrain propice au développement de l’oïdium. C’est là que la culture biologique sort son épingle du jeu.
Les pesticides chimiques ont pour objectif de détruire le champignon en agissant comme des poisons. La culture biologique utilise des plantes et des minéraux qui changent le terrain de la plante pour ne pas que le champignon puisse s’implanter. C’est le rôle de la consoude par exemple, et du soufre qui abaisse le pH de la feuille. Le milieu "feuille" ou "grappe" n’étant plus favorable à l’oïdium, il ne peut plus causer de perte de récolte.
Remarque 1: les éléments fertilisants solubles dans la sève de vigne contribuent à faire remonter le pH du milieu… attention à la nature et à la quantité des fertilisants !
Remarque 2: pour ne pas avoir de dérive de pesticides par l’hélicoptère, je traite plusieurs parcelles voisines de mes vignes. L’une d’elle, plantée en Pinots noirs, est faite pour moitié en biodynamie et l’autre moitié par est traitée par l’hélicoptère. Devinez quelle partie n’a pas d’oïdium sur grappe ???
Attention, tout n’est pas rose en culture biologique si la météo se déchaîne !
Suite aux orages du 4 et 5 juillet, près de 100 mm de pluie accompagnée de grêle sont tombés dans cette parcelle.
La partie protégée de la même manière que mes vignes (la vigne n’est pas en culture biodynamique car le propriétaire de la vigne utilise des déherbants chimiques) a mieux tenu que ce que je pensais. Je ne savais pas bien à quoi m’attendre car c’est la première fois que je suis confronté à pareil épisode climatique. On y constate d’assez nombreux symptômes de mildiou sur grappe (rot brun).
Dans la partie protégée par l’hélicoptère, les symptomes de rot brun sont plus rares. Il faut dire que l’orage a sévit peut de temps après le traitement de l’hélicoptère et que ce dernier a pu repasser traiter la vigne presque aussitôt. De mon côté, mon chenillard ne montait pas car les chenilles patinaient…