L’appel de Paris

Nov 4, 2006

Voici une interview de Dominique Belpomme, chargé de mission pour la mise en oeuvre du Plan Cancer, professeur en cancérologie à l’Université Paris-V. Il a fondé l’Artac en 1994, écrit "Ces maladies crées par l’homme en 2004", et maintenant lance "L’appel de Paris". A lire attentivement !

«Nous voulons promouvoir le concept de santé durable»

Journal de l’Environnement 03/11/2006 12:00
Dominique Belpomme, cancérologue à l’hôpital George Pompidou et président de l’Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac), revient pour le JDLE sur le colloque relatif à l’appel de Paris qu’il organise le jeudi 9 novembre. 160 propositions vont y être présentées afin d’améliorer la prise en compte de la santé environnementale en France et dans le monde.

Pouvez-vous nous rappeler l’objectif de l’appel de Paris ?

L’appel de Paris comporte trois articles. L’article 1 stipule que «le développement de nombreuses maladies actuelles est consécutif à la dégradation de l’environnement», le deuxième que «la pollution chimique constitue une menace grave pour l’enfant et pour la survie de l’homme.» Enfin, l’article 3 énonce que «notre santé, celle de nos enfants et celle des générations futures étant en péril, c’est l’espèce humaine qui est elle-même en danger.» Depuis deux ans, les travaux scientifiques n’ont malheureusement fait que confirmer tout cela.

Ces propos paraissent alarmistes, au moment où les Européens n’ont jamais vécu aussi longtemps…

L’espérance de vie s’est aujourd’hui stabilisée, mais va bientôt commencer à diminuer. De toute façon, il s’agit d’un faux indicateur. Le vrai problème est la baisse de la natalité. En Europe, on assiste à la plus grande décroissance de la natalité jamais vue.

Mais elle est due au recours à la contraception, non ?

Selon moi, 15% seulement des couples européens n’ont pas d’enfant grâce au recours à la contraception, mais il y en a aussi 15% qui n’ont pas d’enfant car ils sont hypofertiles ou infertiles. Et ceci est dû à l’environnement.

Que proposez-vous ?

Aujourd’hui, on met l’accent sur le développement durable, en mettant l’environnement au service de l’économie. C’est d’ailleurs pour cela que les entreprises ont aussi facilement adopté ce principe. Mais il faut faire l’inverse, en mettant l’économie au service de l’environnement et de la santé. Nous voulons développer le concept de «santé durable», en plaçant la santé au centre de toutes les préoccupations.

Le gouvernement français a commencé à se préoccuper de la santé environnementale, notamment avec le Plan national santé environnement (PNSE), en 2004. Qu’en pensez-vous ?

Le PNSE est au point mort. C’est un affichage gouvernemental, mais rien ne suit. Et même s’il était appliqué, ce plan serait en dessous de ce qu’il faudrait faire. Je peux aussi affirmer dès aujourd’hui que le Plan cancer sera un échec. Il se concentre sur le tabac et l’alcool alors que ce sont des problèmes en grande partie réglés. Les chiffres officiels estiment entre 7 et 20% les cancers liés à l’environnement. Mais ils sont en dessous de la réalité: selon moi, 10 à 15% sont liés aux virus, 10% aux rayonnements, et 50% à l’exposition aux produits chimiques. Or, on ne fera plus que très peu de progrès en innovation thérapeutique. La prévention primaire devient donc essentielle. Il faut diminuer les sources de contamination.

Comment ?

Lors du colloque du 9 novembre, nous allons présenter 160 mesures. Certaines -la mise en ordre des produits chimiques par exemple- sont déjà prévues par des réglementations européennes comme Reach (1). Nous voulons aussi pointer le doigt sur des molécules comme le bisphénol-A, les retardateurs de flamme, les phtalates, etc. Nous souhaitons enfin que les affaires de santé environnementale aillent davantage en pénal.

Si le gouvernement n’est pas à la hauteur, à qui faites-vous confiance pour appliquer les mesures que vous préconisez ?

La Commission européenne nous écoute. Certains pays moteurs, comme les Etats scandinaves, peuvent donner l’exemple. Nous espérons par ailleurs que le colloque du 9 novembre fera réagir les politiques, et que la santé environnementale sera un thème important des présidentielles de 2007. Pour le moment, les parlementaires restent peu conscients des enjeux.

Vous visez un million de signatures à l’appel de Paris. Où en êtes-vous ?

Nous en sommes à 250.000. Nous irons jusqu’au bout, quel que soit le temps que cela prendra. Les colloques, que nous comptons organiser tous les deux ans, doivent nous permettre d’atteindre le million de signatures.

(1) Il s’agit d’un règlement et d’une directive sur l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques.

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