Nous souhaitions donc créer une cuvée à son honneur, tout simplement.
2003 était une année particulière… comme chaque année me direz-vous ?
Certes, mais 2003 était la première année marquée par un phénomène auquel il faut s’attendre de manière plus fréquente en raison du réchauffement climatique: les vendanges en Champagne avaient débuté le 18 Août dans les secteurs les plus précoces au lieu de la mi-septembre habituellement… le 4 septembre chez nous.
A cela, deux raisons:
– la première: les gelées de printemps avaient détruit une grande partie de la récolte du vignoble, notamment les Chardonnays… le rendement moyen en Champagne en 2003 a été bien plus faible que généralement
– la seconde: LA Canicule était passée par là, accélérant fortement la moyenne des températures du mois d’Août, d’où une avance considérable de la maturité des raisins.
Ce climat atypique cause des soucis: les acidités des vins, brûlées par le soleil, sont très faibles. 2003 est considéré comme une année moyenne en Champagne, notamment pour les Pinots Meuniers jugés lourds et manquants de finesse en raison d’une forte maturité et d’un manque d’acidité.
C’est pourtant un 100% Pinot Meunier 2003 que nous avons sélectionné pour la cuvée Emeric.Il s’agit de vieilles vignes de Pinot Meunier, sur un sol très argileux (54% d’argiles) à calcaires durs. C’est un type de sol avec une grande capacité de rétention en eau tout en étant filtrant. Comme à son habitude, le rendement dans ces vieilles vignes fût de 9900 kg/ha, soit 60 hl/ha.
Cette parcelle n’a subi aucun désherbage, aucun insecticide ni aucun anti-botrytis depuis 1998. De plus, cette parcelle était cultivée sans pesticide ni engrais depuis plusieurs années et avait connu deux années de biodynamie.
Dans cette parcelle, l’enherbement naturel a retardé le réchauffement du sol au printemps. Ceci a retardé le débourrement de quelques jours et les bourgeons ont échappé à la gelée. C’est le premier point positif pour la conservation du rendement cette année là.
La seconde raison de la conservation du rendement habituel dans cette parcelle est liée au sol. La vigne est maintenue partiellement enherbée toute l’année pour permettre la présence d’une grande biodiversité floristique et faunistique. Le sol est vivant grâce aux préparations biodynamiques; et surtout grâce à l’absence de pesticide. La vie des micro-organismes fut maintenue pendant la canicule grâce à l’ombre que représente l’herbe et aux binages sur la partie de sol travaillée à la charrue. Ce binage avait pour rôle de briser les canaux de remontée capillaire de l’eau, préservant ainsi les réserves hydriques pour la vigne.
Le 17 Août 2003, un orage de 53 mm a pu s’infiltrer dans le sol sans causer la moindre érosion. Les réserves hydriques ainsi rechargées, couplées à un travail du sol précis, ont permis à la vigne de bénéficier d’une bonne hydratation.
Aux vendanges, les raisins étaient magnifiques, sans la moindre trace de stress hydrique. Le pressurage s’est déroulé parfaitement. On m’avait prévenu que l’extraction du jus des baies serait difficile en fin de pressurage, ça ne fût pas le cas car la sécheresse n’avait pas altéré les baies.
Du fait de la qualité des raisins, aucun enzymage, ni tanisage, ni décoloration n’ont été pratiqués. De la même manière, les fermentations malolactiques naturelles n’ont pas été bloquées, le vin n’a pas été passés au froid, ni collés, ni filtrés.
Bref, la personnalité du vin et de l’année n’ont pas été “corrigées” pour plaire au plus grand nombre. C’est plutot aux amateurs de vins authentiques d’apprendre à aimer ce vin riche, puissant, onctueux, franc, minéral et complexe. 32 €